Le jurlement

Ce matin, en mode solo, réveil enfant pas top (je déteste réveiller ma fille, elle a l’air tellement bien sous sa couette, c’est un déchirement). Je la porte encore tout endormie dans le salon pour qu’elle se réveille doucement devant son dessin animé préféré. Je lui prépare son petit déjeuner et pars vite dans la salle de bain pour un débarbouillage-habillage rapide.

Retour au salon : « Julie tu prends ton petit déjeuner, dépêche – toââ allez debout on s’habille dépêche toâââ ». Péniblement j’habille Julie « Allez mange ta banane, oui j’ai vu les trois petits cochons, non je ne veux pas manger de banane Alleeeeeeeeeeeeeeez dépêche toâ ! »

Arrive le moment du départ pour l’école je dois impérativement être à l’heure pour attraper mon bus et avoir mon train pour cause de réunion de la plus haute importance (du moins, c’est ce que je crois à ce moment-là…), je dis « Julie éteins la télé », Julie appuie sur la mauvaise télécommande et allume, du coup la rognotudju de PlayStation. J’éteins la télé, puis j’essaye d’éteindre la PlayStation, c’est toujours difficile, sachant qu’il n’y a pas de bouton off.

Après quelques minutes d’énervement j’arrive à l’éteindre.

« Maman ? Oui ma puce ? Qui c’est qui a éteint la télévision ? (j’essaye de noyer le poisson) C’est nous deux ma puce. Oui mais maman, c’est moi qui éteins la télévision, OK je la rallume et toi tu l’éteins (ça me fait économiser quelques précieuses minutes de discussion). Julie se trompe et appuie à nouveau sur la télécommande de la PlayStation….premier jurlement de la journée.

Un jurlement et une façon de s’exprimer : pendant que tu jures comme un charretier « à l’intérieur » à l’extérieur un seul mot résonne « Julie !!! » le jurlement est donc l’action de jurer intérieurement pour garder chaste les petites oreilles, et de hurler à l’extérieur car ça fait du bien.

« Mais maman, pourquoi tu cries ? » Et là, de grosses larmes perlent sur ses petites joues rebondies.

Haute culpabilité maternelle.

Je m’assoie, je la calme je m’excuse « oui Julie je n’aurais pas dû crier, maman est désolée ». Après tout ce n’est pas de sa faute si la PlayStation est mal fichue.

Petits yeux humides, snif snif je dis « Julie est-ce qu’avec un petit bonbon ça irait mieux ? ». Elle me fait comprendre que vue la situation, un bonbon la soulagerait sûrement.

« Oui mais c’est moi qui choisit » me dit-elle.

J’ouvre la boite à bonbons (la boite à bonbons ne s’ouvre que pour raison exceptionnelle, je vous rassure).

Et je vois les tentations, une sucette, quelques carambars, quelques colliers de bonbons…j’avise un bonbon à l’orange emballé, ça au moins, ce sera vite réglé. Je lui donne.

« Mais maman, c’est moi qui devais choisir ! » « Oui, mais non (notez que « oui mais non » est passé dans mon vocabulaire courant) ma puce je prends exprès celui-là car au moins tu n’auras pas les doigts qui collent ».

Julie enlève ses gants, enlève le papier et mange le bonbon

« Maman, j’ai les mains qui collent !! » (Je l’attendais celle-là…) Coup d’œil à la montre….

Mets tes gants ma puce, comme ça tes mains ne colleront plus on les lavera à l’école….

Clé dans la porte, blouson fermé, on se précipite pour aller à l’école. Sur le chemin, nous croisons Anna et sa maman. Anna, pleine d’énergie (mon Dieu, mais comment fait-elle ?) saute sur place, court partout et dit à Julie « attrape-moi si tu peux !! ». Les filles partent à toute vitesse, et je vois la route arriver.

Deuxième jurlement. Donc je jurle : « JULIE !!!! ». Effet immédiat, elle s’arrête de courir.

Le reste du parcours se déroule sans encombre.

Arrivées à l’école, le couloir est boqué par le petit Arthur qui se roule par terre parce qu’il n’a pas son doudou, et ses parents (les deux) désemparés en train de le tirer par le pull jusqu’à la salle de classe. Je fais un bisou à ma petite puce, et je lui dis, « faufile-toi », ce qu’elle fait. Opération dépôt à l’école si l’on excepte le parcours, en général, est assez rapide. Ce qui me permet de piquer un sprint jusqu’à l’arrêt de bus, façon slalom pour éviter les parents et les enfants qui vont, eux, en direction de l’école.

Arrivée arrêt de bus. Il est en retard (ça tombe bien, moi aussi). Je retrouve Alphonse et Alice, deux copains de bus. Nous devisons tranquillement sur le fait que si le bus arrive en retard, mathématiquement, il y a un risque que nous loupions le train. Aujourd’hui j’ai une réunion importante, je dois donc être là-bas à 9h30 pétante (9h29 serait un plus, j’aurais le temps de boire un café…).

Le bus finit par arriver….et nous amener à la gare. Premier constat, il y a sûrement des trains qui ne sont pas passés, car le quai est noir de monde. Avec Alphonse et Alice, nous nous faufilons jusqu’au bout du quai. Le train arrive, nous rentrons au chausse-pied dans le wagon. Nous nous organisons avec les autres voyageurs pour utiliser tous les m² disponibles. Car si nous, nous sommes rentrés, ce ne sera probablement pas le cas des autres voyageurs des prochaines gares du trajet. Blagues des usagers : « avec tout ça il ne manque plus qu’un malaise voyageur !! Attention v’la le contrôleur, ah ben il sera bien reçu !! »

Quelques jurlements: poussez-pas, ah mais monsieur, je n’y suis pour rien, est-ce que les voyageurs dans les allées pourraient se serrer plus? Bah non, en fait sinon, on va finir sur les genoux de ceux qui sont assis, ah ben c’est peut être la solution. Et si je me mettais dans le porte bagage ? Ah ah ah….

Et là Alice a eu cette réflexion: « quand je pense à tout ce qu’on subit le matin pour aller travailler (également mère d’une petite Coralie, 8 ans, avec qui, ce matin ça ne s’est pas super bien passé) et que je vais avoir mon entretien annuel avec cette petite phrase qui revient tout le temps : « vous n’êtes pas assez motivée !!!! ».

2 commentaires

  1. C’est charmant, amusant et triste à la fois. Et ça me fait penser à mon amie qui gère, une semaine sur deux pour cause de…, ses trois enfants. Un au lycée de la grande ville, un au collège de la petite ville, et une à l’école primaire du village. Et son travail…
    On se demande parfois pourquoi on court comme ça, et si ça ne serait pas mieux de tout arrêter.
    Je n’aborde pas le sujet du train bondé en cette période contagieuse…
    Merci à vous, vos dessins sont charmants, amusants, et quelquefois doux amers

    • Merci Regis pour ce commentaire très élégant. La scène se passe en 2013. Pas de virus à l’époque. Mais tout a fait d’accord avec vous on court le court et on ferait mieux de s’arrêter. Au moins pour se demander pourquoi on court 🙂

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